top of page

Ali

  • Writer: Maeva Doumbia
    Maeva Doumbia
  • Jan 30, 2021
  • 2 min read

C’est mon moment préféré de la journée. Celui où l’on a terminé la troisième prière de la journée; où le soleil libère le zénith pour offrir une chaleur réconfortante. Je m’assois sous le manguier. Sous la plante des pieds, je sens le sable blanc tiède qui recouvre la terre limoneuse. C’est le moment où mes petits garçons s’affrontent à toutes sortes de jeux, et où ma fille exaspérée s’assoit à mes pieds et requiert de nouvelles nattes sur sa crinière ébouriffée. À quelques mètres de là, se tient Henri-le-Chat. Il a tendance à suivre Ali où qu’il se trouve. Il est son ombre sous forme animale, son ami humanoïde. Ils se tiennent à quelques pas mais nous ne les voyons pas. Seuls nous parviennent de la porte à demi fermée, les éclats de rire, les murmures trop stridents pour être secrets et les bruits des jetons sur le plateau en bois du jeu Scrabble. Je vis une vie heureuse et l’homme que j’aime est toujours à mes côtés. Il est rare de voir un amour de jeunesse qui survit autant aux affres du temps. J’ai rencontré Ali peu avant ma résidence en médecine. Il est tout ce dont j’ai rêvé toute ma vie. Je ne garde de lui que de merveilleux souvenirs, nos rires et nos soupirs. Mon être se consume d’amour pour lui et les années ne font qu’exacerber mes désirs. Il vieillit gracieusement, il embellit indéfiniment, il s’anoblit princièrement. Le son de sa voix et l’énergie de sa présence suffisent à m’emplir de paix et de sérénité. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé et savoir que ce qu’il ressent pour moi est encore plus fort me met au-delà de la stratosphère et de tout ce qu’elle peut comporter. La chevelure bouclée de ma fille ressemble beaucoup à celle de son père. Elle a aussi les mêmes yeux et les mêmes doigts raffinés. Sa petite main potelée me donne le peigne en bois et mon cœur se serre de voir qu’elle ne ressemble pas à celle de l’être aimé. Comment en pourrait-il être autrement alors qu’il ne m’a jamais possédée ? Ma poitrine suffoque et mes yeux s’emplissent de larmes. Encore une fois, encore une nuit où il nous dira aurevoir. Où nos lèvres feindront des sourires polis et hypocrites. Où nos langues formeront des mots courtois et délicats. Encore une fois, encore une nuit où Ali partira. Où je laisserai toute la famille s’endormir avant de lire les lettres dans lesquelles lui et moi jurons de ne jamais céder à la tentation et de ne jamais maudire le fait que j’aie rencontré mon mari avant lui. Demain un autre jour se lèvera, et Ali sans famille, sans épouse et enfants reviendra à nouveau jouer au Scrabble avec l’homme qui est son meilleur ami. L’homme qui est mon mari.




Recent Posts

See All

Kommentare


  • facebook
  • twitter

©2020 by Le Blog de Maméva. Proudly created with Wix.com

bottom of page