Elle est arrivée ce soir avec des gâteaux et une boîte de mouchoirs. Dans la cuisine, elle nous a préparé du thé et a découpé des fruits. Elle s’est ensuite installée au salon en ma compagnie où nous avons regardé ensemble un de ces films policiers que j’aime tant.
Elle aurait préféré regarder une comédie ou un documentaire animalier, mais elle finit toujours par faire ce que j’aime, souvent contre son gré.
Elle s’efface pour que je puisse briller. Elle se tait pour que je puisse parler. Elle connaît mes peurs et me rassure avant même que je ne les exprime. Elle sait mes colères et les éteint avant même que je ne les crie.
Ses mots ne sont que sourire et affection, et même lorsqu’elle me réprimande, le ton de sa voix est subrepticement empreint de douceur. Elle ne veut que mon bonheur.
J’ai plusieurs fois eu peur de la perdre. J’ai joué à l’imbécile pendant un long moment. J’accumulais aventures, amourettes et errances sentimentales. J’aimais avoir l’impression de plaire et j’escomptais trouver mieux. Je l’ai longtemps considérée comme une option; ce genre de femme qui serait toujours là à m’attendre et vers laquelle je serais revenu si mes conquêtes vers de meilleurs horizons avaient échouées.
Et j’avais raison, elle est restée. Nous regardons le film et je l’observe avec un sourire aux commissures des lèvres. J’ai fini de jouer, je vais la demander en mariage. J’avoue que je suis fier de la joie que je vais mettre dans son cœur. Elle est si belle, si innocente. Heureusement que je me suis ressaisi à temps, mon cœur serait en mille morceaux si elle m’avait échappé. Elle est timide mais j’ai peur que mon comportement ne lui fasse finalement dire ce qu’elle ressent pour moi de peur que j’aille voir ailleurs. Pour lui éviter cette honte, je vais parler en premier.
Elle débarrasse la table à la fin du film et laisse la boîte de mouchoirs. Elle s’assoit dans le fauteuil qui me fait face et se met à triturer ses mains. Je reconnais ce signe, elle le fait lorsqu’elle veut me parler de quelque chose mais qu’elle est très gênée. Je sais de quoi il s’agit, je vais prendre les devants.
Elle commence par me dire « Je voudrais te parler ». Je réplique aussitôt : « Je sais, et si tu me le permets, je voudrais te parler en premier. J’ai été de longues années un incapable et un Don Juan à outrance. Je n’ai jamais été clair sur le lien qui nous lie. Amitié ou amour, je n’ai jamais éclairci la situation. Cette situation t’a placée dans une position assez délicate. Te mettre en colère et partir alors qu’officiellement nous n’étions pas un couple ? Tout le monde aurait trouvé ça stupide parce que jamais je ne t’ai demandé d’être avec moi. Rester et te comporter comme l’amie que je clamais partout que tu étais ? Tu as choisi cette option tout en sachant qu’entre nous deux et à l’abri des regards, j’adoptais un comportement légèrement supérieur à l’amitié. J’ai compris cela et avec les années, j’ai fini par m’apercevoir de mon égoïsme et de ma bêtise. Il est clair que tu es celle qu’il me faut. Je n’imagine personne d’autre à même de partager ma vie. Je serais dévasté s’il arrivait que je te perde. Tu es devenu au cours de ces années d’errance ma boussole et mon plus précieux trésor. Je te le demande du fin fond de mon cœur et avec la plus grande sincérité : Penda, veux-tu m’épouser ? »
Elle presse plus fort ses mains et finit par sortir des mots de sa bouche : « Tu as raison. Tu as été égoïste pendant de longues années, à me faire miroiter une vie à deux tout en me tenant à distance en me brandissant au nez notre amitié dès que tu sentais que j’étais sur le point de t’avouer ce que je ressentais. Tu as toujours su dès le début que je voyais plus qu’un ami en toi. Mais rien de ceci n’est ta faute. C’est moi qui t’ai donné l’occasion et la force de penser que je serais toujours là à t’attendre, et tu avais raison; je suis restée. Mais aujourd’hui est ma dernière visite chez toi. J’épouse Kader, ton meilleur ami, ton partenaire en crime, ton bras droit. Il m’a fait comprendre l’absurdité de mon entêtement à t’attendre que tu t’assagisses. Il m’a fait réaliser que je méritais mieux, que je valais mieux… J'aimerais vraiment que tu sois présent au mariage, c’est dans un mois. »
Elle m’a tendu la boîte de mouchoirs. Elle a vu que mes yeux ne clignaient plus. Elle savait que mes larmes n’allaient pas tarder à tomber.
Penda me connaît mieux que moi-même.
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Elle est touchante, votre histoire. Merci 🙏
Merci Anne ! Haha je vais songer à y travailler in chaa Allah :)
Très belle plume Ma Shaa allah ! Nous attendons avec impatience des histoires plus longues et pourquoi pas un livre 😊