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La voisine

Writer's picture: Maeva DoumbiaMaeva Doumbia

J’aime tout de l’aube naissante. Le ciel qui change la teinte de sa robe. La montée progressive du soleil. La brume et la rosée matinale. J’aime ce calme plat. Ce silence absolu lorsque les âmes naviguent encore entre deux mondes; laissant derrière elles leurs enveloppes charnelles emmitouflées dans des draps. J’aime te voir chaque matin, sortir le premier et courir à ta voiture, prêt à aller sauver des vies. J’aime ce sourire que tu lances par-dessus ton bras levé vers moi pour me dire aurevoir. J’ignore si la lumière apportée par le soleil y est pour quelque chose, mais même de la terrasse, ton sourire reste étincelant. N’eut-été ce fauteuil roulant dans lequel je suis cloîtrée depuis quelques mois, j’aurais dévalé les escaliers pour te souhaiter une bonne journée et embaumer mon âme de ton parfum. Six longs mois que mon calvaire dure. J’ai pourtant hésité ce jour-là à prendre la voiture. Il pleuvait depuis trois jours sans discontinuer. La voisine du deuxième étage avait encore bloqué la sortie avec sa Mitsubishi agonisante et je ne m’étais toujours pas remise de mes récentes migraines. Mais la vie devait reprendre son rythme. Mes trois jours d’arrêt maladie étaient terminés et je devais impérativement reprendre le travail. La chaussée glissante, la tête engourdie et un vertige soudain : voici le combo qui m’a fait perdre le contrôle de la voiture et m’a fait percuter une femme allant travailler. J’ai appris avec beaucoup de soulagement à mon réveil à l’hôpital qu’elle avait non seulement survécu et qu’au pire, elle marcherait avec des béquilles pour quelques temps. Je n’ai pas eu la même chance. En essayant de l’éviter, j’ai fait une déviation et la voiture s’est retrouvée avec les quatre pneus face au ciel. Les médecins sont confiants mais j’ignore si je pourrai remarcher un jour. Tu es arrivé aussi vite que tu as pu. Les yeux mi-clos, je te voyais parler à tes collègues médecins; essayant de comprendre ce qui s’était passé; et ce qu’il adviendrait de moi et d’elle. Grâce aux conditions météorologiques et au rapport médical sur ma santé, et surtout grâce au fait qu’elle s’en est bien sortie, je n’ai écopé que d’une amende et d’un surplus sur le paiement ma prime d’assurance. Mais c’est aussi grâce à toi, qui l’a convaincue de ne pas m’enfoncer avec des recours juridiques. Comment ne pas t’aimer ? Comment ne pas aimer l’homme qui m’a sauvé la vie plus d’une fois et qui fait chanter mon cœur depuis un an ? Je m’ennuie de nos marches nocturnes pendant lesquelles tu t’ouvrais à moi. Celles pendant lesquelles nos mains s’effleuraient et se rétractaient aussitôt. Ces marches pendant lesquelles je t’avais juste pour moi pour un court instant; le temps de m’imaginer être ta compagne. Celle vers laquelle tu rentrerais après tes longues journées à l’hôpital. Mes illusions s’estompaient lorsque tu me laissais sur le pas de mon appartement avant de te diriger vers le tien. Aucune de ces soirées ne se terminait sans qu’une larme ne se pointe à mon œil; avide de tomber et d’accompagner mes lèvres avouer éloquemment mes sentiments pour toi. Je t’aime désespérément, mais à chaque aube naissante, lorsque tu lèves le bras pour dire bonjour et aurevoir à ta voisine que je suis, je vois ton épouse venir te remettre ton déjeuner et te serrer dans ses bras. Cette épouse que j’ai accidentellement renversé avec ma voiture voilà six mois et qui jamais ne me le pardonnera.



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