700 pages d’anxiété et de remises en question.
Mesdames, imaginez rentrer chez vous après une longue journée de labeur, espérant y trouver votre époux et votre enfant. Sur le chemin qui mène à votre demeure, vous rencontrez une pléthore de curieux, épars ou agglutinés à votre maison. Untel vous regardant avec des yeux interrogateurs, unetelle avec un regard chargé de pitié. Votre cœur s’affole, vos tempes risquent d’éclater sous l’effet de la crainte d’entendre une nouvelle dévastatrice.
Vous accourez à l’intérieur de votre demeure, cherchant du regard votre petite famille. Au lieu de l’époux aimant, vous trouvez assis votre ex-mari, vétéran de guerre que tous croyaient mort depuis quatorze ans. Il réclame son dû : vous.
Nous sommes au cœur du Viêtnam, pays communiste où règne un fort nationalisme et où la société rurale (à l’époque) a pour piliers d’innombrables principes moraux et valeurs traditionnelles. Cette histoire est celle de Miên. Mariée à Hoan depuis une dizaine d’années, elle retrouve un matin Bôn dans sa demeure, lui l’ancien combattant revenu de guerre que tous pensaient mort, déchiqueté par les balles des américains. Des funérailles ont même été organisées et sa mémoire de héros de guerre a été célébrée.
Sous l’effet de cette foule méprisante, pleine de jugeote, Miên se résout à retourner vivre avec son ex-mari. Il a sacrifié sa vie pour le pays. Elle, doit faire sa part en lui accordant le bonheur de vivre comme les autres hommes : avoir une femme aimante, aidante, et mère de ses enfants.
On se retrouve au cœur d’une véritable tragédie. Un triangle amoureux atroce. Bien que leur union soit légale, Miên et Hoan doivent se plier aux regards accusateurs de la société : rendre à Bôn le seul bonheur qui lui reste sur terre, après qu’il ait affronté la mort face aux américains.
Bôn réussira t’il à reprendre le cœur de Miên, éperdument éprise de Hoan et de sa vie de famille avec leur enfant ? Hoan restera t’il de marbre face à cette terrible situation ?
Au-delà de cette histoire de cœur, on apprend beaucoup sur le Viêtnam communiste et les ravages de la guerre. On apprend sur la beauté et les valeurs de ce peuple. On apprend sur l’importance de faire ses propres choix, indépendamment de ce que les gens ou la société peut penser. La société choisira toujours le plus fort : que cette force soit matérielle ou émotionnelle. Au-delà de la souffrance des femmes, souvent tiraillée par des choix pénibles qu’elles doivent faire, on en apprend aussi, beaucoup même, sur les douleurs que peuvent ressentir les hommes.
J’ai fait un voyage périlleux au Viêtnam, et assurément « Terre des oublis » est une œuvre douloureuse.
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